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Alors que M. Jean-Marie Grosbois, PDG des Brasseries du Maroc, vient de prendre la présidence de la Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc, CFCIM, son prédécesseur, M. Joël Sibrac, dresse pour nos lecteurs le bilan d’un mandat de trois ans à la tête de cette institution qui est aujourd’hui la plus importante des chambres françaises de commerce et d’industrie de par le monde.
La Nouvelle Tribune :
M. Sibrac, vous avez passé trois ans à la présidence de la CFCIM, pouvez-vous expliquer à nos lecteurs le rôle de la Chambre française au Maroc ? Est-elle uniquement au service des entreprises françaises installées dans notre pays ?
Joël Sibrac :
La Chambre Française de Commerce et d’Industrie du Maroc est sans nul doute unique pour des raisons historiques, c’est la plus importante des Chambres françaises installées à l’étranger de par le monde. Effectivement, en général, le rôle prioritaire des Chambres françaises consiste à s’occuper des entreprises françaises, mais dans le cas du Maroc, 80 % de nos adhérents sont des entreprises à capital totalement ou
majoritairement marocain. Ainsi, nous sommes au service des entreprises adhérentes de la CFCIM, soient-elles marocaines ou françaises. Certes, nous accueillons
les entreprises françaises qui arrivent au Maroc, dans le cadre notamment de notre délégation de service public d’Ubifrance, en leur fournissant une aide pour s’installer, mais nous accompagnons également nos entreprises adhérentes qui sont nombreuses à être marocaines, en leur facilitant les rencontres d’affaires en Europe en particulier, voire même pour s’implanter en France. Dans cet objectif, nous avons organisé en 2013, 40 journées Maroc dans les différentes Chambres de Commerce en France. Et il est prévu d’organiser cette année à Casablanca, pour les potentiels investisseurs marocains, une journée « Investir en France ».
Quelles sont les obligations des entreprises qui adhérent à la CFCIM ?
Il n’y a pas d’obligations en dehors de celle de justifier de leur nature juridique, donner leur bilan pour que l’on dispose des informations financières nécessaires pour la chambre, moyennant quoi elles disposent de toute une gamme de services mis à leur disposition au Maroc, mais aussi à l’étranger grâce au réseau des Chambres françaises de Commerce pour traiter avec un pays étranger, profiter du réseau des conseillers économiques et du commerce extérieur français, ainsi que de celui d’Ubifrance.
Cet accompagnement des entreprises marocaines, pour s’installer en France, est un service que les entreprises utilisent de plus en plus, aujourd’hui, même si cette
possibilité mérite d’être encore développée, c’est pourquoi nous préparons la journée « Investir en France ».
Les services que vous dispensez sont-ils gratuits ?
Ils ne le sont pas dans tous les cas. Certaines demandes d’informations préliminaires, que nous détenons, sont délivrées à titre gracieux, mais dès qu’elles deviennent
particulières et portent par exemple sur un test sur l’offre, sur des produits
distribués au Maroc ou une étude de marché, nous y répondons avec nos compétences en interne et c’est payant.
De surcroît, la CFCIM est organisée en Commissions qui permettent à nos membres d’échanger sur nombre de sujets et bénéficier de leurs expériences respectives.
La Commission Economique et Financière, présidée par Mohamed Berrada, reçoit des intervenants extérieurs sur des sujets économiques divers et en relation avec l’actualité.
La Commission Juridique, Fiscale et Sociale permet aux responsables d’échanger sur les problèmes qu’ils rencontrent, par exemple en matière de fiscalité ou sur la Loi de Finances.
Et la Commission Appui aux Entreprises et celle Enseignement, Formation et Ressources Humaines répondent aux questions spécifiques inhérentes à ces
thématiques.
Même si nos services ne sont ni directement adossés ou dispensés par les Commissions, le travail de ces dernières constitue un plus pour les entreprises membres de la Chambre.
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Concrètement, quels sont les catégories dans lesquelles les services de la chambre sont distribués ?
Je voudrais préciser que nos services sont particulièrement adaptés à la PME sachant que l’essentiel de nos 4000 entreprises adhérentes sont des PME.
Bien sûr, il y a toutes les entreprises françaises du CAC 40, les grands groupes, mais la majorité des entreprises reste des PME. Toute entreprise n’appartenant pas à un grand groupe français ou marocain est pour nous une PME représentative du tissu entrepreneurial.
Nous avons donc cinq catégories de services. La première est dédiée à l’appui des entreprises qui arrivent au Maroc et qui peuvent nous demander de nous occuper de toutes leurs formalités d’implantation. On a ainsi créé 50 sociétés en 2012 et une quarantaine en 2013.
UBIFRANCE est un second service que nous prodiguons au nom de l’Agence
française pour le développement international des entreprises, une entité publique dont nous sommes délégataires. C’est là encore un service payant au-delà des
informations et des conseils préliminaires.
Nous avons un autre service dit Salons, qui consiste à organiser des salons au Maroc ou accompagner nos adhérents dans des foires ou salons dans le monde entier en les prenant totalement en charge. On y organise pour eux des rencontres « B to B » ou entre secteurs ciblés.
Par ailleurs, les parcs industriels sont très importants pour la Chambre française. Elle a créé trois parcs industriels et travaille sur un 4ème.
A terme, ces parcs auront accueilli 500 entreprises et créé 25 000 emplois.
La première zone industrielle de Bouskoura affiche déjà complet, au même titre que la seconde, à Ouled Salah. La troisième, située à Settat, est en cours de réalisation pour une ouverture prévue pour septembre 2014, et la quatrième, à Berrechid, est en projet.
En partenariat avec le Ministère de l’Industrie, la CFCIM acquiert le terrain (à crédit), une société de gestion comptant des institutionnels, généralement des banques et compagnies d’assurances, est alors créée. Et cette société de gestion loue le terrain ou les bâtiments prêts à l’emploi aux entreprises.
En plus de ces facilités d’installation dans des zones entièrement équipées, les entreprises bénéficient sur place de toute une gamme de services. Ces parcs industriels ne sont bien entendu pas du tout réservés aux entreprises françaises. Les entités qui s’y installent doivent uniquement respecter les conditions du Ministère, à savoir exercer une activité industrielle, créer des emplois et avoir une activité non polluante. Une Commission d’attribution, composée notamment de représentants du Ministère de l’Industrie et du Centre Régional d’Investissement, de la Commune, de la CFCIM,
étudie les demandes des entreprises.
Enfin, le dernier service est dispensé par la CFCIM à travers son Campus de formation. Ce sont plus de 600 étudiants qui en bénéficient, dont 300 à l’EFA, 300 dans les spécialités de Sup de Co Toulouse, avec possibilité de doubles diplômes. Sans parler de la formation permanente assurée par le CEFOR entreprises.
M. Sibrac, quel est votre propre bilan, celui des trois années passées à la présidence de la CFCIM ?
J’ai inscrit mon travail dans la durée, j’ai passé 3 ans comme premier Vice-Président, puis 3 ans comme Président et je reste au Bureau exécutif en tant que Past-Président parce qu’aucun mandat ne peut être occupé plus de 3 ans, soit un an renouvelable deux fois.
C’est donc une réelle continuité dans la fonction de responsable de la Chambre. S’il y a, certes, une alternance dans la fonction, il y a une continuité dans le travail.
Sous mon mandat, la Chambre a continué à se développer, à se structurer. En 2001, la CFCIM comptait 3200 adhérents, un peu plus de 4000 en 2012 et en 2013 on est resté à peu près à ce niveau. Avec une plus grande stabilité des adhérents car le taux annuel de déperdition (les entreprises qui arrêtent de cotiser), qui était de 15 %, est tombé à 7 %. Le taux de satisfaction des entreprises membres de la Chambre a donc augmenté.
D’autre part, nous avons renforcé notre développement en régions : dans chaque grande ville du Maroc, il y a une délégation de la Chambre avec un membre élu, le Délégué Régional et un permanent. Nous sommes présents à Fès, Meknès, Tanger, Rabat, Oujda et Agadir, et nous avons mis l’accent sur l’animation des ces
Délégations.
Mon bilan s’est inscrit dans la continuité, le développement et l’adaptation. Nous avons consenti un effort particulier sur les régions, le développement de nos zones industrielles et la formation. La délégation de service public d’Ubifrance, dont le test avait été fait chez nous, a été validée et transposée à d’autres pays.
Un gros effort a été fait pour sortir un Livre Blanc sur le développement des services, leurs procédures, comment améliorer la cinquantaine de produits que l’on propose aux adhérents et en trouver d’autres dans le cadre de notre développement.
M. Sibrac, quel diagnostic faites-vous de l’économie marocaine ?
Je suis au Maroc depuis 12 ans et avec ce recul, je ne peux que constater des avancées remarquables, tant au niveau des infrastructures où l’effort a été
considérable, que dans celui du dialogue avec les autorités qui ont une réelle grande écoute aux problèmes des entreprises, ou encore du développement de nouveaux secteurs d’activité comme l’aéronautique, l’automobile, des infrastructures comme Casanearshore, Tanger Med, etc. Le bilan est largement positif.
De même, il y a eu des efforts significatifs sur la fiscalité et les taux de l’IS ont baissé ces dernières années. Les investisseurs étrangers ont au moins deux raisons pour venir au Maroc : le marché marocain lui-même, mais aussi le marché de l’Afrique subsaharienne. Nous insistons beaucoup sur ce rôle du Maroc de plateforme pour le continent. Nous insistons aussi sur la qualité de la main d’œuvre et son aptitude à la formation. C’est ainsi, par exemple, qu’au-delà des centres d’appels, des
Back Offices, nous avons sur Casanearshore des entreprises internationales qui emploient des ingénieurs pour effectuer des développements informatiques pour leurs Groupes.
Entretien réalisé par Afifa Dassouli